La gestion du territoire chez le chat

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Le chat est une espèce territoriale contrairement au chien qui est une espèce sociale. Cela implique de grandes différences au quotidien notamment dans les relations avec l’Homme mais aussi sur la répartition des activités. Il est primordial de prendre en compte cet aspect pour le bien-être du chat mais aussi pour vous car lorsque le territoire au sein de la maison est mal organisé, beaucoup de problèmes de comportement peuvent apparaître. Gwendoline LE PEUTREC-REDON, comportementaliste spécialiste des relations Homme/Chat, nous éclaire sur cette notion si importante du territoire chez le chat.

La notion de territoire

Les espèces se sont organisées au cours de l’évolution en fonction de leur environnement et des avantages qu’elles pouvaient tirer de tels ou tels comportements. Ainsi certaines ont constitué des groupes sociaux permettant d’optimiser la chasse, l’éducation des petits, la protection du groupe, la reproduction mais cela implique souvent une hiérarchisation entre les individus. D’autres espèces ont fini par « choisir » un mode de vie solitaire lorsque l’environnement le permettait. Ainsi c’est l’abondance des ressources qui poussent les individus des espèces non-grégaires à se répartir sur le territoire. Dès lors, les rencontres se font quasi exclusivement pour la reproduction. Il n’y a pas de notion de « hiérarchie » entre ces individus puisque la durée de leur relation est brève. Cela n’empêche pas pour autant qu’il y ait des moyens de communication entre eux et des codes sociaux : c’est bien l’aspect d’une organisation hiérarchique qui est à proscrire.

Le chat est une espèce territoriale et solitaire ainsi, même lorsque vous avez plusieurs chats, bannissez l’idée qu’une hiérarchie se soit établie entre eux. On parle plutôt alors de velléités territoriales pour celui ou celle qui auraient l’air plus présent que les autres ou qui passe du temps à chasser les autres pour se mettre à leur place. C’est une idée fermement ancrée chez les personnes car on a eu tendance à calquer le comportement des chiens sur celui des chats alors que ce sont deux espèces totalement différentes.

Mais qu’est-ce le territoire alors ? Le territoire pour le chat domestique est l’endroit où il pourra trouver sa nourriture, chasser, évoluer et marquer, se reposer. En période de reproduction, il ira sur le territoire de la femelle. Selon les individus et leur niveau de territorialité, la tolérance d’un autre individu sera plus ou moins importante. Les jeunes chats, les mâles en premier, se dispersent à l’arrivée de la puberté mais s’ils sont adoptés avec un autre jeune chat leur niveau de socialité sera beaucoup plus développé  et ils vivront généralement beaucoup mieux une cohabitation captive.

Plus les ressources sur le territoire sont nombreuses et plus les chats deviennent territoriaux car ils n’ont pas à se battre pour les obtenir. C’est-à-dire qu’ils défendront avec ardeur celui-ci lorsqu’un individu tentera de s’y aventurer. L’inverse est valable également et ainsi on peut observer en Grèce ou à Rome des populations entières de chats errants vivant sur un espace restreint et se partageant les ressources s’y trouvant.

La ressource principale étant la nourriture, pour nos chats de maison c’est beaucoup moins conflictuel puisqu’en général c’est l’Homme qui distribue et il y en a pour chacun ainsi les conflits se reportent beaucoup plus sur les autres aspects du territoire : le marquage, le repos et l’exploitation visuelle de celui-ci.

A la maison

Pour le chat de maison, il y a de grandes aires de répartition territoriale mais elles ne sont pas exclusives et peuvent s’enchevêtrer.

L’aire de repos

Par repos, on entend les phases de sommeil profond, de veille active et de toilettage. Ce sont ces moments où le chat est calme, soit il dort soit il somnole soit il observe ou procède au toilettage de son corps. Vous aurez également remarqué que ce sont les chats qui choisissent ces endroits et ce sont rarement ceux que vous leur aviez destinés à la base.

Ce n’est pas par mauvaise volonté et encore moins un souci d’éducation mais bien du choix nécessaire d’un espace primordial pour ces séquences comportementales inévitables au bien-être de l’individu. Le chat évolue dans un territoire en trois dimensions et contrairement au chien, il affectionne particulièrement les endroits en hauteur. De là, il peut observer, se sent en sécurité et peut donc procéder à ces séquences comportementales en toute quiétude. C’est pourquoi les coussins et autres tapis à même le sol et disposés par nos soins sont souvent délaissés. Les armoires, étagères et autres arbres à chat sont les lieux de prédilection de nos félins.

Cela n’empêche pas de voir Minet s’allonger de tout son long sur les tapis près des fenêtres afin de faire griller les os au soleil mais dans ce cas, il doit se sentir suffisamment à l’aise et sans risque d’être déranger.

Pour respecter alors son bien-être et éviter de le stresser, on prendra garde à ne pas déranger un chat lorsqu’il se repose ou fait sa toilette et on apportera un  soin particulier à éduquer les enfants à ce niveau.

L’aire d’élimination

Il s’agit ici de/des endroit(s) où le chat va faire ses besoins d’élimination alimentaires. Dans la nature, ces endroits sont multiples car même s’ils servent à évacuer les aliments digérer, ils ont la double fonction de marquer aussi le territoire. Plus il y aura de ressources et plus il y aura de chats, plus les excréments seront disséminés dans nos jardins (gare aux bacs à sable pour enfants…).

Dans la maison et si le chat ne fait pas ses besoins exclusivement à l’extérieur, c’est la litière qui est destinée à ces éliminations. On trouve différents bacs à litière et différents substrats et on essaiera alors de voir ceux que votre chat préfère.

A savoir qu’un chat est un prédateur mais aussi un prédaté dans la nature, il a donc besoin de surveiller son environnement pour s’échapper si besoin est. Ainsi, contrairement à l’idée reçue, les chats préfèrent largement les bacs ouverts dans des endroits aérés et non-confinés : préférez toujours les bacs simples, sans couvercle sauf si votre chat y a été habitué tout petit et que cela ne semble pas l’opportuner.

De la même manière, l’idée que les chats sont très propres et que la litière doit être nickel est un véritable fléau relevant de l’anthropomorphisme et de la mauvaise interprétation des comportements. Ne soyez donc pas un maniaque de la litière et éviter tout ajout de parfum qui incommode fortement l’odorat de votre minou.

Servant également à marquer le territoire par ses odeurs notamment, placer toujours votre litière dans un endroit qui soit à la fois sécure mais usité par les membres de votre maison sinon, en cas de stress, vous risquez fortement de voir votre chat venir urinez sur les tapis, canapés ou lit là où le message vous sera accessible. N’ayez pas peur de mettre la litière dans le salon, la cuisine ou le couloir, votre chat n’en sera que très satisfait.

L’aire de marquage

On parle ici des marquages spécifiques émis par le chat pour marquer son territoire, ceci recouvrant quatre grands moyens : par élimination, par griffades, par frottements, par postures visuelles.

Les éliminations sont les urines et les excréments que cela soit dans la litière ou en dehors, que cela soit accroupi ou debout ou que ce soit par flaque ou par spot, qu’il soit castré ou non, qu’il soit un mâle ou une femelle. On a tendance à vouloir faire entrer dans des cases pour déterminer s’il s’agit de marquage ou de besoin éliminatoire mais si certaines postures définissent bien une volonté de marquer uniquement, toutes les éliminations ont toujours le double effet de marquer aussi. C’est pourquoi certains propriétaires se trouvent désemparés car ils ont entendu qu’un chat qui marque est debout et envoie de spots urinaires alors que le leur urine partout accroupi en grande flaque. Le chat aura tout simplement choisi, en fonction des circonstances, ce qui lui semblera le plus adapté pour exprimer son  état.

Il peut donc se retrouver en cas de stress ou de litière mal adaptée à uriner ou déféquer partout dans la maison, le lit, le canapé, les tapis, sous les meubles…

Les griffades contrairement à ce qu’on croit n’est pas uniquement un moyen d’user ses griffes mais bien de délimiter visuellement le territoire. Encore une fois, pour être efficace, ces marques doivent être visibles. Il faut alors proposer au chat des supports de griffades adaptés comme les griffoirs ou arbres à chat en sisal, en carton, verticaux ou horizontaux (en fonction de ce que votre chat préfère) et les placer dans des endroits tels que le salon ou l’entrée au risque de voir Minet s’attaquer sinon au canapé, tapis, murs car c’est bien que vous verrez le plus ses marquages.

Les frottements ont un intérêt olfactif puisque les phéromones déposés sur les meubles ou sur vous sont autant de messages chimiques destinés à marquer le territoire pour le chat lui-même, les congénères ou les cohabitants de la maison.

Les postures du chat ont un impact visuel. Lorsque Minet s’étale de tout son long sur un endroit bien visible ou dans le passage ou bien qu’il vienne s’assoir sur vos papiers ou l’ordinateur quand vous y êtes, c’est une façon pour lui de marquer cet endroit comme un lion sur son rocher. On ne peut pas le louper et bien souvent il est entêté. Cette forme de marquage est bien souvent méconnu alors qu’elle est très appréciée des chats.

Pour toutes ces formes de marquage, on notera donc que toute la maison (ainsi que l’extérieur si Minet y accède) est susceptible d’être marquée même si certains endroits sont privilégiés : le salon, la cuisine, l’entrée, la chambre puisque ce sont les pièces les plus usitées et donc celles où les marquages seront le mieux perçus.

L’aire de nourrissage

On entend par là, l’endroit où seront disposées les gamelles de croquettes, de pâté et d’eau fraîche. Le chat doit avoir sa gamelle de croquettes remplies à disposition et à volonté (le chat s’auto-régule très bien du moment où on n’a pas cherché à le rationner, qu’il n’a pas de problème de santé ou d’ennui) dans un endroit facilement accessible pour lui, au calme, en hauteur s’il y a des chiens ou des enfants qui peuvent le déranger. Aucune pièce n’est particulièrement recommandée du moment que les indications ci-dessus sont respectées. N’ayez pas non plus une crainte démesurée de disposer ses gamelles dans la même pièce que la litière car, sans qu’elles soient placées tout contre, les odeurs du chat sont très rassurantes pour lui – on a vu qu’il s’en servait pour marquer et s’apaiser – et cela ne le dérangera pas outre-mesure.

L’aire de jeux

Le chaton joue pour s’éveiller et le chat adulte se défoule en comportement de substitution de chasse, d’exploration… Dans la maison, vous pouvez être à l’initiative de ces activités en stimulant votre chat avec des plumeaux, souris en alu, ficelle, bouchons… Attention à ne pas le faire juste à votre retour du travail car cela pourrait engendrer une hyper excitation de votre chat qui n’a pas eu beaucoup d’activité la journée.

Il y a aussi ce fameux « quart d’heure de folie » souvent à la tombée de la nuit qui, bien qu’impressionnant, est tout à fait normal. Le chat court, grogne, fait des mouvements désordonnés dans un joyeux branle-bas de combat : c’est un comportement de substitution lui permettant d’évacuer ses tensions en chassant des proies « imaginaires » ! Durant ce laps de temps, ne vous occupez pas de lui, laissez-le se défouler car à le déranger, vous risquez de grandement le stressé alors qu’il est déjà très excité.

Ces séquences comportementales n’ont pas de lieu privilégié et peuvent se dérouler à tout endroit.

L’aire de mise-bas

Peu évoquée, il y a bien une zone où la femelle gestante va établi le nid pour ses petits et la mise-bas. A la maison, il y a les chattes qui voudront être à l’écart, au calme et mettre ses petits au monde toute seule. Si elle a trouvé un endroit qui ne vous paraît adapté, sachez que pour elle c’est le cas. Souvent c’est l’armoire à vêtement : essayez d’aménager l’endroit en disposer des linges. Vous pouvez aussi fabriquer une niche avec un carton ouvert en disposant des serviettes dans le fond.

Si votre chatte recherche votre présence en permanence, disposez ce carton dans votre chambre au cas où elle mettra bas la nuit. Si elle veut votre présence et que vous n’êtes pas là, elle peut bloquer la mise-bas…

Durant les deux premières semaines après la mise-bas, elle restera la plupart du temps dans le périmètre du nid pour réchauffer les petits et les nourrir. Durant ce temps, elle peut être très intolérante à la présence d’autres chats ou chiens. Il faut respecter cela et préserver la mère de toutes sources de stress car les petits le ressentiront et cela peut avoir de grandes conséquences sur leur développement.

L’aire de reproduction

Lorsque les femelles sont en chaleur, elles appellent le mâle et c’est une période de l’année où les chats s’éloignent de leur territoire pour aller à l’encontre de leurs congénères. Les femelles sont évidemment très bien acceptées par les mâles sur leur territoire mais entre deux rivaux, de grosses bagarres peuvent survenir. Et nous pouvons assister – surtout en été – à cette belle mélodie de hurlements émises pendant les combats.

Les femelles pouvant être fécondées par plusieurs mâles, elles errent souvent sur un grand périmètre avant de regagner sa maison. L’accouplement en tant que tel peut s’effectuer n’importe où sur le territoire même si ce n’est pas celui des chats en question.

Le territoire du chat est donc aussi vaste que possible en fonction des ressources et à la maison, on remarque que les différentes aires territoriales s’enchevêtrent et se recoupent d’autant que les chats investissent l’espace en 3D. Il faut donc surtout respecter les besoins inhérents à chaque comportement en aménageant l’espace de manière optimale. Plus il y a de chats qui se partagent le territoire plus il faudra multiplier les surfaces de marquages et de repos pour que tout ce petit monde cohabite sereinement. En cas de difficultés, n’hésitez pas à faire appel à un comportementaliste compétent car celui-ci se déplace sur le territoire justement et a l’œil pour pleins de petits détails qui vous échapperaient et qui ont de grandes conséquences.

 

 Gwendoline LE PEUTREC-REDON