L'anthropomorphisme

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La relation entre l’Homme et le chat peut être complexe et menée à des problèmes comportementaux, cela est principalement dû à des soucis d’incompréhension inter-spécifique. Le raccourci est rapide, les propriétaires qui tentent de comprendre leur animal va réfléchir en fonction de sa propre cognition, culture, communication et imaginer que leur chat pense et agit comme eux dans une même situation cela s’appelle l’anthropomorphisme. Gwendoline Le Peutrec-Redon, comportementaliste spécialiste des relations Homme-Chat, vous aide à comprendre le mécanisme et surtout à éviter les écueils.

 L’anthropomorphisme ?

 La définition de l’anthropomorphisme réside dans le fait d’attribuer des compétences et qualités humaines à un être vivant, objet ou idée et à fortiori, un animal. Ainsi, les motivations et les comportements produits par nos animaux sont interprétés par les propriétaires selon les processus psychologiques complexes dont l’humain est doté.

 Cela n’est absolument pas péjoratif pour l’animal mais l’humain est doté d’une conscience complexe qui l’amène à des concepts spécifiques notamment sentimentaux que l’on ne peut prêter à l’animal. La colère, la jalousie, la vengeance par exemple sont bien trop complexes et demandent des notions de retour sur soi et de projection. Or, l’animal est finalement beaucoup plus simple et agit en fonction de son ressenti émotionnel et des apprentissages qu’il en a fait.

 Il est même certain qu’au moment où vous lisez ces lignes vous pouvez douter et être persuadé que Minet est jaloux quand vous caressez Médor ou que s’il a uriné sur votre lit c’était pour se venger et vous faire comprendre que vous êtes partis trop longtemps ? En réalité votre chat est frustré de ne pas bénéficier de votre affection quand le chien en a et il a ressenti de l’ennui et a eu besoin de décharger ses tensions en urinant à l’endroit où règne votre odeur et rappelle votre présence. La grande différence est le sentiment dans la première partie et l’émotion dans la deuxième (cf : l’article Spécial Chat sur Mon chat m’aime-t-il ?).

 L’animal vit et agit en fonction de son instinct, ses besoins et ses propres codes de communication et il est impératif pour respecter cela d’en avoir conscience et de mettre de côté nos idées préconçues. Ce n’est pas facile car cela relève d’un automatisme mais avec un peu de bonne volonté, il finit par être plutôt aisé d’interpréter correctement les agissements de nos chats. Pour ce faire, des ouvrages sérieux sur le comportement du chat (ou du chien) ou même l’entretien avec un comportementaliste lors de l’adoption d’un animal permet de bien comprendre l’espèce avec laquelle on vit.

 Le concept de la punition

 L’humain s’est organisé et développé avec certains principes comme la punition pour faire comprendre à un individu qu’il a mal fait et qu’il ne doit plus recommencer. Elle recouvre différente forme plus ou moins contraignante, plus ou moins agressive mais elles sont choisies (à juste titre ?)  selon des réflexions humaines. Or, on sait que chaque espèce a ses propres règles et il ne faut donc pas vouloir généraliser à tous les êtres vivants ce qu’on fait chez l’humain.

Le chat est un animal territorial, il a donc besoin de marquer son territoire selon différents moyens : les éliminations, les griffades, les phéromones et les postures. On ne peut pas l’empêcher, uniquement les rediriger sur des supports qui nous conviennent. Si on punit, on verra se développer certains problèmes comportements qui seront bien plus insupportables en définitive.

Crier, taper, mettre le nez dedans, enfermer sont autant de frustration qui mèneront votre chat à libérer ses craintes et ses tensions en urinant ou griffant partout par exemple. C’est agressif et surtout votre chat ne comprendra pas le lien complexe que vous établissez entre la punition et l’acte réprimandé. Quand vous pensez « je te punis parce que tu as uriné sur le canapé », le chat apprendra « je suis puni parce que j’ai uriné » tout simplement. Si votre chat a uriné hors de sa litière c’est qu’il y a une bonne raison pour lui, ce n’est pas pour se venger, vous embêter donc il faut comprendre la raison. La punition ne fera qu’amplifier le phénomène. Les raisons pouvant être multiples et si cela persiste sans que vous n’en trouviez la cause, un comportementaliste compétent vous aidera à résoudre le problème.

 Parfois, on entend souvent « je l’ai puni, je l’ai attrapé par le cou comme fait la maman chat », c’est une idée reçue complètement erronée : la mère chat attrape ses chatons par le cou jusqu’à l’âge d’environ 2 mois uniquement pour le transporter mais jamais pour le punir ! Ne le faites pas à votre chat, cela lui fera très mal et il ne comprendra pas ce que vous faites. C’est la même chose pour les « pichenettes sur le nez ».

 Le caressé-mordeur

 Un exemple de comportement souvent observé chez les propriétaires de chat, il consiste dans les morsures et griffures plus ou moins fortes que le chat peut donner quand il est caressé. L’incompréhension vient du fait que les propriétaires pensent souvent que le chat apprécie parce qu’il ronronne ou se frotte et ne part pas et que d’un coup, il mord et griffe. En réalité, tous les comportements dits « de bonheur » sont, à ce moment là, des signes et des demandes d’apaisement. Comme les propriétaires ne comprennent pas alors que le chat demande de manière douce à ce que les caresses cessent, il passe à une communication plus marquante : les morsures et les griffures. Et cette fois, à moins d’être masochiste, on retire sa main…

 Sachez tout simplement qu’il ne sert à rien de disputer votre chat qui n’a pas été agressif volontairement et qui a déployé maintes façons douces de vous faire comprendre qu’il n’appréciait pas. Ayez a l’esprit que les chats n’aiment pas être caressé tout le temps et qu’il a ses moments et même que certains chats pas très bien sociabilisés à l’humain et au toucher ne supporte pas ça.

 Montrez à votre chat que vous l’avez compris en stoppant les caresses aux premiers signes d’inconfort : ronronnement, frottement, mydriase (pupilles dilatées)… Cela ne fera que renforcer votre relation et permettra à Minet de se sentir mieux dans ses coussinets.

 L’arrivée d’un nouveau compagnon

 Un autre exemple d’anthropomorphisme courant ; vous adoptez un nouveau chat ou un chien et votre chat ne semble pas enclin à en faire son meilleur ami. Tous contents d’accueillir un nouveau membre à quatre pattes, les propriétaires s’imaginent que l’enthousiasme est partagé par le chat de la maison, or le chat est un animal territorial dont l’intrusion d’un individu dans son milieu est loin d’être la bienvenue.

En effet, et même si l’adoption avait pour but d’apporter de la compagnie à Minet, le partage de son territoire est relativement compliqué pour le chat et celui-ci aura besoin d’un peu de temps pour accepter un congénère. Cela se fait plutôt rapidement (entre quelques jours à quelques semaines) si tout le monde respecte la présentation et l’organisation spatio-temporelle mais c’est malheureusement peu souvent le cas. Voulant bien faire, on confronte souvent l’un et l’autre directement, en les faisant se sentir, en ne leur permettant pas de se soustraire et de là, les animaux se sentent acculés et peuvent alors survenir des bagarres.

 Il faut absolument ne pas intervenir lors de la mise en présence et les laisser se découvrir à leur rythme et ce n’est pas parce qu’il y a quelques signes dits « d’animosité » entre les deux au début qu’ils ne se feront pas l’un à l’autre. Au contraire, cela se fera naturellement si on les laisse s’ajuster entre eux, les animaux apprennent très vite à se gérer entre eux.

 Ces quelques exemples pour souligner l’importance de ne pas prêter de pensées ou d’actions humaines à votre chat car c’est souvent bien éloigné de la réalité. En cas de difficultés ou si vous pensez ne pas bien comprendre les attentes ou ce que veut votre chat, pensez à faire appel à un comportementaliste qui en une seule séance pourra vous apprendre le B-A ba du chat.

 Gwendoline LE PEUTREC-REDON