Faire mes griffes, c'est tellement de choses !

Aussi indispensable que la parole pour les humains, le chat doit faire ses griffes. Aussi inadapté que cela soit pour nos intérieurs, comprendre les raisons des griffades est essentiel pour proposer les bons supports, les bons endroits et rendre ce comportement acceptable pour les propriétaires. Gwendoline LE PEUTREC-REDON, comportementaliste, nous explique ces raisons et comment procéder pour éviter les dégâts.

Faire ses griffes, ça consiste en quoi ?

Tous les propriétaires chats ont déjà observé la scène du chat qui s’avance vers un support vertical ou horizontal s’étend de tout son long, allongeant ses pattes toute griffes dehors et se mettant à labourer, griffer plus ou moins longtemps et plus ou moins frénétiquement ce support. En fonction de la raison qui a poussé le chat à faire ses griffes, il repart plus ou moins apaisé vaquer à ses occupations. L’idée commune des propriétaires étant que le chat a besoin de faire ses griffes, physiologiquement parlant, pour les user. Certains perçoivent une notion de confort. La réalité c’est qu’il y a de multiples raisons de faire ses griffes et ce qui est à retenir c’est que c’est essentiel.

Marquer son territoire

La fonction qui apparaît comme étant la plus importante est celle de marquer son territoire. En effet, le chat a quatre grandes possibilités de délimiter et montrer aux autres qu’il est chez lui : le marquage urinaire/fécal, les dépôts de phéromones par frottement, le positionnement corporel et les griffades. Quatre façons car plusieurs moyens de perception du message : visuel, olfactif, sonore et phéromonal.

Le chat utilisera ces 4 moyens alternativement ou concomitamment, avec des préférences pour l’un ou l’autre en fonction du message à envoyer. Le marquage par griffades a l’avantage d’être à la fois visuel, sonore et phéromonal. Il est donc privilégié par les chats qui pourront signifier aux congénères et à toutes les autres espèces (y compris les humains) qu’ils sont chez eux. Le visuel et le sonore sont perçus indifféremment par tous, le message phéromonal est adressé aux espèces utilisant encore leur organe de Jacobson (situé au fond de la gorge, derrière le nez).

Ainsi, pour être vues et perçues de tous, les griffades sont souvent localisées sur les canapés, les murs d’entrée, les coins de portes et lieux de passage, les tapis du salon, les pourtours des lits etc…

Un exutoire émotionnel

On notera également que les chats ne font pas leurs griffes tout le temps de la même façon. Cela dépend de son état émotionnel et de ce qu’il recherche dans ce comportement. Quand il s’agit d’un comportement de type « confort » pour renforcer un marquage territorial, après une sieste par exemple ou le retour d‘une ballade, le chat va  s’étendre et prendre le temps de planter ses griffes, de façon plutôt sereine, peu bruyante, lente et prenant le temps d’étirer ses muscles.

Après un conflit avec un autre chat, l’insertion dans son territoire d’un autre animal ou d’un humain, après une situation qui a fortement stressé le chat, on verra celui-ci se positionner sur le support et se mettre à labourer bruyamment et frénétiquement. On constatera un positionnement corporel plus tendu et une possible mydriase (pupilles dilatées).

On parle aussi du « quart d’heure de folie » où votre chat se met à courir dans tous les sens, chassant une proie imaginaire : bien souvent, l’arbre à chat ou tout support en sisal/osier/carton sera l’objet de sauts, de plantage de griffes et autres manifestations vocales qui permettent aux chats de se défouler et d’évacuer ses tensions.

Se défendre et chasser

Un félin chasse et se sert de ses griffes pour capturer ses proies. C’est son mode d’attaque favori, bien plus que les dents. Les chats d’extérieur sont très rôdés à ce type d’exercice et leurs compétences de chasseur s’affinent avec le temps. Savoir se faire tout petit, observer, sauter sur sa proie et savoir quand sortir ses griffes (les félins sont la seule espèce à griffes rétractiles). Un chat sans griffe ne pourrait donc pas exercer son activité favorite et cela créerait de fortes frustrations.

De même et comme souvent, ce qui sert à attaquer sert aussi à défendre. Le chat agressé (le stade de la menace ayant été dépassé) sera toutes griffes dehors, prêt à lacérer celui qui entre en contact physique avec lui. On l’observe bien quand le chat est positionné sur le dos et les pattes antérieurs tendues, légèrement écartées et les pupilles dilatées.

User ses griffes

Pour les chats d’intérieur, faire ses griffes permet aux chats de les user. Bien que la fonction soit secondaire, elle est importante quand le félin n’a pas d’autres moyens de limer ses ongles naturellement par des vagabondages en extérieur. Il ne faut pas négliger toutefois de vérifier les griffes arrières car elles ont tendance à moins s’user et les griffes poussent jusqu’à parfois rentrer dans la peau.

Penser à couper les griffes de son chat a donc de multiples avantages : limiter les dégâts des chats qui griffent partout, éviter le petit plantage de griffes dans vos jambes quand votre félin joue ou monte sur vous, éviter la gêne de griffes trop longues quand il marche.

Ce qu’il ne faut pas faire !

Imaginer qu’un chat puisse être interdit de faire ses griffes est la pire des erreurs. En cherchant à réprimer ce comportement tellement nécessaire, vous ne ferez que déplacez le problème. Soit en déplaçant les lieux de griffades car votre chat trouvera toujours un endroit pour les faire, soit en changeant le mode d’expression de votre chat qui choisira peut-être de passer aux marquages urinaires.

Egalement, les punitions physiques engendrent souvent de l’agressivité chez votre chat qui va user de ce mode de communication que vous lui proposez.

Faire dégriffer votre chat est une mutilation légalement interdite et extrêmement douloureuse pour l’animal. Interdite depuis 2003 en France, elle consiste en l’ablation de la dernière phalange portant la griffe. Inutile de préciser l’effet néfaste d’une telle opération qui ne permet plus du tout au chat de faire toutes les activités décrites ci-dessus et qui engendre des frustrations et un état de stress sans nom. Les problèmes de comportement en tout genre deviennent le quotidien des propriétaires qui ont fait dégriffer leur chat.

Il existe aussi aujourd’hui des capuchons en plastiques que l’on pose sur la griffe du chat à l’aide d’une colle de type glue. C’est aussi à éviter fortement car si vos beaux canapés et élégants rideaux ne seront plus lacérés, le marquage visuel n’est plus possible et ce sera la confortable couette de votre lit et les coussins moelleux du salon qui seront arrosés d’urine de frustration. Un stress permanent sera ressenti par votre chat qui ne peut plus utiliser ses griffes pour les fonctions qu’elles permettent (*).

Oubliez les sprays répulsifs qui n’auront pour effet que le redoublement des efforts de votre chat pour marquer ailleurs qu’il est chez lui. Les diffuseurs de phéromones de synthèse sont inefficaces, une phéromone étant individuelle, une phéromone fabriquée synthétiquement pour tous les chats n’aura pas d’effet.

(*) Dans le cas de certaines personnes malades, ne pouvant pas être griffées, sous anticoagulants ou autre, les capuchons peuvent être une alternative temporaire bien préférable au dégriffage.

Que faut-il faire alors ?

On n’interdit pas de faire ses griffes au chat, on le redirige vers un support plus approprié. Partant du principe que le chat va devoir nécessairement faire ses griffes, on va lui proposer un support fait exprès : arbre à chat, griffoir vertical ou horizontale, carton, tapis etc… Il faut veiller à mettre ce support dans un lieu adapté : un lieu de passage type salon, entrée ou cuisine pour l’intérêt territorial que ça représente sinon il sera déserté… Plus on propose de supports et plus ça sera efficace.

 L’arbre à chat a un avantage non négligeable : placé dans votre salon par exemple, il devient griffoir grâce au sisal qui entoure les poteaux et que les chats adorent, il devient lieu de repos grâce aux maisonnettes qui le compose, il devient lieu de repli quand il est suffisamment haut et que votre chat cherche à se soustraire d’une situation (bébé/chien…).Il est alors le parfait centre névralgique du territoire de votre chat qui y passera beaucoup de temps.

 On protège en parallèle les objets déjà griffés par le chat, le temps que celui-ci se déconditionne de ce lieu et utilise les nouveaux griffoirs plus adaptés.

Quand on adopte un chaton, dès le début, il faut avoir un bon support type arbre à chat avec poteau en sisal. Quand on aperçoit la boule de poils commencer à griffer le canapé ou autre, on l’amène gentiment à l’arbre à chat, on prend délicatement ses pattes avant et on les frotte le long du poteau. Instinctivement, il y a des chatons qui vont tout de suite sortir leurs griffes et d’autres qui vont s’en aller en courant, intrigués par ce que vous venez de faire. Ce qui compte c’est de persévérer ainsi sans jamais disputer le chaton. Pour inciter encore plus le chaton, vous pouvez gratter bruyamment le poteau avec vos ongles en même temps qu’il vous regarde : en vous observant ainsi, les chatons imitent souvent.

Comme tous les comportements, les griffades de votre chat ont une réelle importance ! A vous de prendre conscience de ce fait et d’accepter celles-ci comme un besoin inéluctable. Adaptez votre intérieur comme le chat s’adapte à vous tous les jours. Après tout, vous avez choisi de vivre avec un félin et non une peluche, proposez-lui tout ce qui l’épanouira pour la garantie d’une cohabitation saine et sereine.

 

 Gwendoline LE PEUTREC-REDON