Peut-on faire obéïr un chat ?

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Nombreuses sont les personnes qui aimeraient connaître le secret pour avoir un chat obéissant. Celui qui ne fait aucune bêtise, qui vient quand on l’appelle et s’exécute sans broncher à tous les ordres. Or, est-ce réellement concevable de faire obéir un animal au doigt et à l’œil ? Existe-t-il une solution miracle ? Gwendoline LE PEUTREC-REDON, comportementaliste spécialiste des relations Homme/Chat nous éclaire sur les facultés cognitives des félins et sur le bon sens à adopter pour une bonne cohabitation.

Dans l’idéal…

Tout le monde souhaiterait que le chat soit une panacée au quotidien, aux problèmes de tous les jours, un réconfort quand on ne se sent pas bien mais surtout sans que Minet ne soit une source de petits désagréments. Grimper tout en haut du rideau, lacérer les rebords du canapé, chiper la nourriture que l’on a oubliée de ranger, piquer un quart de folie au beau milieu de la nuit, déposer de jolies empreintes de coussinets sur le plan de travail pendant que l’on cuisine et tout autre petite chose qui font passer la boule de poils angélique au petit démon caractériel et turbulent !

D’autre part, on aimerait aussi lui dire où aller se coucher, lui faire avaler un médicament à notre guise, l’empêcher de grimper sur le lit ou les tables, lui dire quand entrer et sortir sans servir de passe-porte ou encore qu’il nous réponde en miaulant quand on l’interpelle mais qu’il se taise la nuit.

Qu’on veuille empêcher ou obliger, le chat ne peut être cette machine obéissante d’un côté et cet être réconfortant quand on le souhaite. Toutefois, il existe des moyens de ne pas céder sur certains interdits et amener le chat à faire certaines choses à certains moments.

J’agis comme j’apprends

La cognition

Terme complexe qui pourrait regrouper de multiples disciplines, nous allons ici le résumer par l’ensemble des activités intellectuelles et des processus qui se rapportent à la connaissance et à la fonction qui l'a réalisée. Ainsi, pour apprendre et avoir le comportement adapté à une situation, plusieurs processus se mettent en œuvre. Dans les apprentissages qui nous intéressent en l’occurrence, le conditionnement est en première place.

Conditionnement dit pavlovien

Aussi appelé conditionnement répondant, il s’agit ici de la relation établit entre des stimuli (provenant de l’environnement) et les réactions automatiques de l’organisme (peur/salivation/tremblement…) qui en découlent. Quand un stimulus A (à la base neutre) se répète et que celui-ci est accompagné par un autre stimulus B provoquant une réponse automatique de l’organisme : l’animal finit par produire un comportement par anticipation lorsqu’il est en contact du stimulus A sans même que le stimulus B ne soit apparu. Exemple : un chat va saliver (C) lorsque son propriétaire lui présente de la pâté (B) et ce, juste en rentrant du travail (A). A la base, rentrer du travail n’est pas significatif de nourriture mais comme ce stimulus est systématique suivi par la proposition de pâté qui fait saliver le chat alors celui-ci commencera à saliver dès que son propriétaire passera la porte. Le chat a fait un apprentissage par conditionnement pavlovien.

Conditionnement dit skinnerien

Aussi appelé conditionnement opérant, il se différencie du premier en ce que les réponses au stimulus ne relèvent plus du reflexe ou de l’émotion mais ce sont des influences de l’environnement qui renforcent positivement ou négativement le conditionnement. Ainsi, c’est le sujet qui construit sa propre réponse en fonction de ce que cela lui apporte. C’est le conditionnement par essai/erreur qui permet à l’individu d’être le plus efficace possible pour obtenir ce qu’il désire. Exemple : on fait sonner une clochette, et on donne au chat une récompense, le chat aura associé la clochette à la gourmandise et viendra lorsqu’il l’entendra (positif). Si un chat s’allonge sur un plan de travail et qu’il reçoit un jet d’eau systématiquement, il évitera l’endroit à l’avenir (négatif).

Eduquer ou apprendre ?

Le terme d’éducation ou d’obéissance est très mal venu pour un chat car l’éducation recouvre des notions négatives notamment de punition ou réprimandes. Or, le meilleur moyen de rendre son chat craintif ou agressif c’est d’utiliser des méthodes coercitives et agressives ! On risque surtout d’apprendre au chat à avoir lui-même des réponses agressives ou de fuite car ce seront ces seuls moyens d’exprimer son mal-être ou de soustraire à des situations anxiogènes. Il faut savoir alors apprendre au chat ce qu’il peut faire (manger dans la cuisine, faire ses griffes sur un arbre à chat…) et ce qu’il ne peut pas faire (griffer le canapé, miauler la nuit…) en récompensant les bons comportements et rediriger ceux qui nous semblent inappropriés pour nous, humains.

Pourquoi et comment apprendre au chat

Il faut avant tout garder à l’esprit que si vous avez décidé de cohabiter avec cet être-vivant, il faut que vous respectiez qu’il ne peut pas faire uniquement ce que vous souhaitez. Le chat est pourvu d’émotions, de besoins et ils ne concordent pas toujours avec ce qu’on l’on souhaiterait.

Ainsi, si un comportement est exprimé c’est qu’il a une raison d’être : la règle d’or étant « on n’empêche pas un comportement, on le redirige ». En effet, si vous tentez de sanctionner systématiquement un comportement, il s’exprimera de toute façon à un autre endroit ou de différentes manières. Ainsi, il faut trouver un moyen de permettre au chat de l’exprimer à un endroit ou d’une façon qui nous convienne.

De la même manière, un chaton ne pourra apprendre et supporter trop d’interdits car il est en pleine construction de ses capacités cognitives. Il faut savoir être raisonnable et savoir qu’un chaton ne pourra intégrer correctement que 2 ou 3 interdits jusqu’à ses 6 mois. Au-delà, on pourra apprendre 4 ou 5 interdits au total et au maximum pour que la cohabitation ne devienne pas pénible pour le chat.

Si certaines choses semblent primordiales, il faut aussi savoir lâcher un peu de leste quand on vit avec un animal de compagnie. Si vous n’en êtes pas capable ou peu disposé, je vous déconseille fortement l’adoption car si vous oppressez trop votre chat par de multiples interdits ou exigences, celui-ci exprimera de toute façon des comportements que vous estimerez gênants voire inacceptables. Alors pour éviter un abandon, ne tentez pas le diable.

Il y a des comportements qui résultent de besoins naturels comme faire ses griffes ou uriner. Pour ce faire, on fera attention de lui proposer une litière bien placée dans des pièces fréquentées (pour le marquage territorial) mais sans être en plein milieu du passage, une bonne épaisseur de substrat et ne pas ajouter de parfum ni faire de nettoyages trop fréquents (il a besoin de son odeur). Pour les griffes, un arbre à chat plus ou moins grand en sisal par exemple, entreposé dans le salon, l’entrée ou la cuisine dès tout petit lui permettra de marquer visuellement son territoire et ainsi ne pas s’attaquer au canapé ou aux murs.

Pour les vilaines manies qui s’apprennent très vite, on ne dispute pas on essaie aussi de s’autogérer : comment en vouloir à un chat qui chipe les restes de poulet oublier sur le plan de travail ? Le chat est explorateur et chasseur, la découverte de ce met sera obligatoirement tentante : pensez à ranger la nourriture pour ne pas tenter le diable… S’il gratte la terre des plantes (irresistible…) on les protège avec des cache-pots.

Ne lui permettez pas d’apprendre des mauvaises habitudes : s’il miaule la nuit, ne vous levez pas ! A la base, le comportement produit est juste un hasard, le chat s’exprime comme nous mais si vous vous levez et lui portez attention alors il apprendra que miauler = attention. Et il ne cessera par la suite de recommencer et ce, jusqu’à ce que vous craquiez.

A ne pas faire

Comme déjà dit précédemment,  on ne punit pas, on ne frappe pas : les conséquences sont désastreuses ! Mais une erreur est commune et pour cause, elle est instinctive : nous intervenons directement pour interdire ou signifier au chat qu’il a fait quelque chose que nous ne voulons pas. Or, si on reprend la théorie du conditionnement, il faut qu’un stimulus soit systématique pour que le sujet apprenne le lien et nous, justement, nous ne sommes pas toujours là quand le chat fait sa « bêtise ».

On entendra alors toujours les propriétaires dire : « dès que j’ai le dos tourné, il le fait ». Pas bête, le chat…

Ainsi, il faut toujours que le stimulus désagréable se produise systématiquement même lors de notre absence. Il existe dans le commerce une petite bonbonne qui émet un jet d’air lorsque le chat passe près du détecteur de mouvement, très efficace et peu agressif, cela peut être un bon moyen d’apprendre au chat de ne pas monter sur le plan de travail et de marcher sur les plaques de cuissons brûlantes par exemple.

Attention, cela ne doit cependant pas être utilisé à outrance et pour tout car l’environnement deviendrait vite anxiogène et le chat stressé par ce territoire si peu accueillant aura besoin d’exprimer son mal-être. Et vous aurez vite l’apparition d’autres comportements pire encore pour vous. Ainsi deux bonbonnes, voire trois pour les grands espaces, sont acceptables : pensez bien alors à sélectionner vos interdits prioritaires.

Le cas particulier des conduites agressives

Problème souvent récurrent, les chats ne sont pas agressifs par nature mais finissent par adopter des conduites dites « agressives » en réponse au contexte proposé. Ces conduites, griffures et/ou morsures, sont des comportements adaptifs résultants majoritairement des punitions.

A prendre en compte aussi que beaucoup de personnes récupèrent leur chaton précocement (avant ses 3 mois) alors que c’est durant cette période que les chatons font l’acquisition des autocontrôles notamment pour l’inhibition des morsures et griffures.

Dans ce cas, comme pour tous les autres, ce n’est pas l’agressivité induite par les punitions qui peut résoudre les conduites agressives des chats. En effet, un chat peut mordre ou griffer soit pour se défendre soit pour exprimer un mécontentement soit parce qu’il joue et qu’il est excité donc ce comportement a bien une raison d’être. Si c’est parce qu’il se défend d’une attaque ou qu’il signifie qu’il n’a pas envie d’être dérangé ou caressé alors c’est un signal à prendre en compte : tous comme les êtres humains, les chats ont besoin de repos ou de calme et il faut le respecter. Si c’est du jeu et que le chat excité en oublie de se contrôler alors oubliez toute punition, « tapette » sur le nez ou les fesses mais apprenez lui par renforcement négatif d’un conditionnement qu’il ne faut pas reproduire ce comportement, dans son intérêt. Ainsi, le meilleur moyen d’apprendre à un chat qu’il ne faut pas mordre ni griffer c’est de stopper net toute l’attention qu’on lui porte à ce moment. Pour que le processus d’apprentissage soit complet, quand le chat mord et/ou griffe, faites un grand AÏE et arrêter le jeu (déplacez-vous s’il le faut) pour couper tout contact avec votre chat pendant au moins ¼ d’heure. La frustration ressentie par votre chat qui se défoulait avec vous sera bien plus efficace que toute punition physique !

Notez aussi qu’il ne faut de toute façon pas jouer avec les mains, c’est trop tentant quand on est un chasseur-né !

 

 Gwendoline LE PEUTREC-REDON